Monique Rouillé-Boireau
De très nombreux textes de la revue ont abordé, durant ces 25 années, les grands thèmes politiques qui jalonnent les réflexions anarchistes, bien sûr le Pouvoir ou l’État, mais aussi la Révolution, la Démocratie, l’Utopie. L’enjeu a été d’évaluer, de préciser, dans un contexte qui a beaucoup évolué, ce qu’il reste (et s’il reste) des grandes constantes de l’anarchisme, et ce que la nouvelle donne – dont on peut au moins retenir deux traits : la perte de centralité du politique, la dépolitisation et le changement civilisationnel lié à la place prise par le monde virtuel – a entraîné comme nouvelles façons de penser ces grands agrégats. Depuis une trentaine d’années, les grandes références de la gauche révolutionnaire se sont considérablement modifiées (voire effondrées), et ce constat impacte nos réflexions. Ainsi, un bref article de René Fugler paru dans le numéro 7, s’intitulait « Il était une fois la révolution… » À partir de ce constat partagé, plusieurs voies sont possibles, d’un abandon de tous les grands référents, jusqu’à un désir de les maintenir en a endant des jours meilleurs.
Mais c’est une autre impression qui se dégage de la lecture de ces principaux textes de Réfractions. Les tenants du post-modernisme, bien qu’opérant une critique des notions de sujet révolutionnaire, d’État comme institution centrale pour ne citer qu’eux, maintiennent la nécessité de lutter contre les nouvelles formes néo-libérales de l’État dans les lieux où elles se manifestent. Quant aux auteurs qui restent dans les références des Lumières et celles héritées de l’anarchisme révolutionnaire, ils ne reconduisent pas ces analyses de façon inchangée, mais les repensent à nouveaux frais pour en faire ressurgir un potentiel critique et émancipateur en prise sur le monde actuel. Ainsi l’opposition entre ces deux approches n’est pas que frontale et irréductible, et on peut déceler aussi des positions partagées. Nous avons choisi quelques textes autour de quatre thèmes (Révolution, Pouvoir, Démocratie et État), pour illustrer les « réfractions » de ce changement d’époque.
L’Internationale et le genre humain Révolution (Introduction)